Comme chaque année, l’Etat publie un rapport relatif à la gestion du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) en marge des débats sur le Projet de Loi de finances (PLF) 2019. C’est l’occasion d’examiner comment se porte le principal soutien aux actions de prévention des risques naturels.
L’an dernier, nous avions mis en évidence un changement de tendance critique, puisque les dépenses imputées sur le fonds étaient en augmentation sensible, tandis que l’Etat décidait d’une ponction de 55 M€ sur la trésorerie dudit fonds au bénéfice du budget général de l’Etat de sorte que, pour la première fois dans l’histoire de ce fonds, la trésorerie entamait un déclin.
En 2017, les dépenses supportées par le fonds ont été stables à hauteur de 178,9 M€ (contre 178,3 M€ en 2016), mais le prélèvement au profit du budget général de l’Etat s’est élevé à 70 M€. Les recettes, constituées par un prélèvement sur les cotisations d’assurances (contribution "catastrophes naturelles" sur les biens assurés), sont en petite progression à hauteur de 220,8 M€ contre 214,2 M€ en 2016. Ainsi, la trésorerie du fonds s’érode pour la deuxième année consécutive, à hauteur de 242,9 M€ contre 271,3 M€ en 2016. Et cette tendance ne devrait pas s’inverser puisque l’Etat a fixé un plafond de recettes à hauteur de 137 M€, tout excédent étant versé d’office au budget général de l’Etat.
Cette situation appelle quelques commentaires.
Le plafond des recettes est-il légitime ?
Si l’on suit le rythme de croissance des recettes du fonds et qu’on lui applique le plafond de 137 M€, ce devrait être environ 90 M€ qui rejoindront le budget général de l’Etat en 2018. Ce prélèvement dorénavant bien installé revêt le caractère d’un impôt sur les cotisations d’assurances qui ne dit pas son nom. Chacun peut constater, à l’examen de sa cotisation 2019 sur ses biens assurés, que le prélèvement porte le nom respectable de "contribution catastrophes naturelles" et des gilets jaunes avisés pourraient objecter une réaffectation indue et déguisée de cette contribution.
Le plafond des recettes est-il contraignant ?
A contrario, il faut bien constater que les dépenses ne suivent pas les recettes (hors prélèvement). Dès lors, une réaffectation de l’excédent pourrait se concevoir. En tant que maître d’ouvrage d’actions de préventions, tributaire du soutien du FPRNM, nous pouvons affirmer que l’accès au fonds, via les Programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) est devenu extrêmement compliqué. La première génération de PAPI, dite "plan Bachelot", en 2003 et dont l’Entente était lauréate, accordait des aides au vu d’un dossier de candidature composé d’un argumentaire, d’un programme d’actions et d’un plan de financement sur 6 ans. Un tel dossier pouvait être monté en quelques mois. C’est dans ce contexte que l’Entente a pu réaliser ses ouvrages de Longueil-Sainte-Marie et Proisy.
Aujourd’hui, la troisième génération astreint à un parcours du combattant particulièrement complexe — et long. S’il est légitime d’apporter plus de justifications sur la rentabilité des aménagements (analyse coût bénéfice, analyse multicritères), des demandes hétéroclites ont fait leur apparition. Par exemple, une étude environnementale préalable, avant d’avoir défini les aménagements, doit intégrer le dossier. A ce stade des réflexions, elle ne peut que consister qu’en des lieux communs sur quelques inventaires d’espèces protégées et les incidences des aménagements arriveront bien plus tard.
Autre exemple, quasi-rédhibitoire : l’obligation de joindre, pour chaque commune du périmètre du PAPI, la carte de zonage pluvial. Cette exigence superfétatoire est sans lien avec l’objet : ladite carte vise les problématiques de ruissellement tandis que le PAPI est motivé par des débordements de cours d’eau, mais l’Etat a pensé que le porteur du PAPI assurerait le rôle d’aiguillon pour la production de telles cartes obligatoires mais que les communes sont peu enclines à réaliser; est-ce bien le lieu ? Sur le bassin Oise Aisne, le projet de PAPI en cours de labellisation, initialement envisagé à l’échelle du bassin soit 1812 communes pouvant bénéficier d’aides pour des problématiques locales, a dû être réduit aux communes en Territoire à risque important et aux EPCI concernés, soit 359 communes, pour lesquelles il sera particulièrement difficile, voire inextricable, de collecter lesdites cartes. Enfin, dernier exemple et non des moindres : l’obligation de réaliser un PAPI d’intention avant d’envisager un PAPI complet et ses travaux. D’une durée de trois ans, le PAPI d’intention ne peut comprendre que des études, différant d’autant les perspectives d’actions concrètes sur les territoires. Lorsqu’une dynamique locale émerge, il convient donc d’envisager un an pour élaborer le dossier de PAPI d’intention, un an pour le labelliser et signer la convention, trois ans pour procéder aux études (et courir après les cartes de zonage pluvial), et encore un an pour finaliser et labelliser le PAPI complet.
Ainsi, la consommation du fonds est clairement régulée par la complexité des dossiers et les étapes préalables pour obtenir la sacro-sainte subvention. L’Etat a installé une logique de poule et d’œuf, la complexité des dossiers différant le recours au fonds, celui-ci devenant excédentaire et bon à ponctionner en toute légitimité.
Des perspectives peu réjouissantes
Le rapport sur la gestion du FPRNM se termine par un volet relatif aux perspectives 2018 et 2019. Nous relevons là encore la persistance du grand écart entre dépenses et recettes. Tandis que le fonds est amené à financer de nouvelles mesures comme la mise à niveau des digues gemapiennes (8000 km de digues recensées en France), l’accompagnement de la prise de compétence GEMAPI et l’adaptation au changement climatique, l’Etat se risque à des perspectives de dépenses sur les deux années évoquées, à hauteur de 179,7 M€ pour 2018 et 175,2 M€ pour 2019 soit une stabilité suivie d’une diminution. Il est manifeste que le frein à la dépense par une logique d’étalement de la demande est très bien identifié et intégré dans les comptes. Après une année 2018 riche en événements (crue de la Seine en janvier, épisodes orageux en mai et juin, crues dans l’Aude en octobre), peut-être préfigurateurs d’une accélération des phénomènes, la logique administrative et comptable d’une collecte pourtant dédiée à la prévention ne peut qu’inquiéter.