Nicolas BAUDUCEAU est Directeur du département fonds publics et prévention à la Caisse centrale de réassurance (CCR). Il répond à nos questions sur le financement des mesures de prévention des inondations par le Fonds "Barnier" (fonds de prévention des risques naturels majeurs, FPRNM).
Entente Oise Aisne : Le Fonds Barnier est dorénavant sous contrainte (plafonnement des ressources) ; est-ce un frein pour la politique de gestion des risques ?
Nicolas BAUDUCEAU : On ne peut pas être si affirmatif. Les prélèvements qui ont eu lieu sur le fonds ont impacté une trésorerie excédentaire. Celle-ci est encore confortable et, si le rythme actuel des décaissements se maintient, le plafond constant de recettes de 137 M€ tel que défini pour cette année, devrait permettre de financer la politique de prévention sans difficultés majeures pendant une période de cinq ans.
EOA : Le plafonnement des recettes n’est donc pas contraignant ?
N.B. : Aujourd’hui non, mais il le deviendra probablement à terme et ce d’autant plus rapidement que les dépenses s’accroitront. Mais pour le moment, la demande est stable.
EOA : Les collectivités ne seraient donc pas assez ambitieuses ?
N.B. : Les collectivités ne sont pas les seules à mobiliser le Fonds Barnier. L’Etat et les particuliers y recourent également. Si parfois, comme sur certains territoires reconnus en TRI (territoire à risque important d’inondation, ndlr) n’ayant pas été sinistrés depuis fort longtemps, les stratégies ont eu beaucoup de mal à émerger, force est de reconnaître que la mise en œuvre de dispositifs de prévention des risques est toujours un exercice complexe et de longue haleine, même sur les territoires les plus "aguerris" en la matière.
EOA : CCR est à la fois réassureur public et gestionnaire du fonds Barnier. En tant que réassureur, est-ce que la mise en œuvre des stratégies locales et plus généralement des PAPI suit un rythme rassurant ou bien apparait-il comme insuffisant ?
N.B. : CCR n’a pas d’inquiétudes particulières mais certains signaux méritent l’attention. Les trois dernières années ont été les plus coûteuses depuis 2003. Des sinistres récents majeurs comme l’ouragan Irma ont diminué les réserves de CCR. Et en tendance à long terme, avec le changement climatique et la concentration des populations dans les zones à risques, on s’attend à une hausse significative de la sinistralité et par là-même du taux de surprime Cat Nat (passage de 12% à 18% d’après nos estimations). Pour limiter au maximum cette hausse, il faudra renforcer la prévention dans les zones les plus exposées et on peut se demander si les ressources actuelles du fonds seront suffisantes.
EOA : Quels sont les leviers utiles à la prévention des risques ?
N.B. : Tous les leviers sont utiles, même si certains apparaissent aujourd’hui structurants : les dispositifs d’aménagement du territoire ont le mérite de limiter l’exposition de nouveaux biens inadaptés dans les zones les plus à risque et à initier une transformation progressive des territoires. Mais d’autres leviers comme les ouvrages de régulation sont intéressants. Une question en suspens est d’identifier quels sont les leviers les plus performants. De ce point de vue, les retours d’expériences des programmes d’actions seront éclairants.