Si la compétence GEMAPI a structuré la maîtrise d’ouvrage des actions relevant de la gestion des ouvrages de lutte contre les inondations (protection, régulation), les collectivités qui souhaitent investir sur ce sujet sont friandes de partenariats financiers. Le dispositif incontournable de financement des programmes de réduction du risque d’inondation est le plan d’actions de prévention des inondations (PAPI) orchestré par l’Etat qui en définit les modalités. Outre que l’Etat (via le Fonds "Barnier" ou FPRNM) apporte entre 40% et 80% d’aide aux actions, le dispositif favorise l’adhésion d’autres partenaires comme les régions et les départements.
Toutefois, un dossier de candidature PAPI doit répondre à un cahier des charges très précis. Parfois peut-être trop. Nous avons déjà souligné quelques difficultés rencontrées tant sur la candidature de l’Entente au PAPI d’intention de la vallée de l’Oise que lors de la mise en œuvre du PAPI Verse. Nous revenons ici sur une exigence du cahier des charges PAPI en vigueur (PAPI 3, de troisième génération) : il s’agit de la collecte des cartes de zonage pluvial. Cette obligation communale inscrite à l’article L2224-10 du Code général des collectivités territoriales depuis la Loi du 3 janvier 1992 (Loi sur l’eau), n’est encore aujourd’hui que peu satisfaite par les communes ou leurs groupements. Soucieux d’en accélérer la réalisation, l’Etat a introduit l’obligation de conformité, a minima de toutes les communes bénéficiaires du PAPI pour labelliser le programme de travaux.
Tout d’abord, l’on peut s’interroger sur la pertinence du levier : il n’y a pas de lien entre le ruissellement et l’inondation d’un cours d’eau majeur sur une même commune. Ensuite, le PAPI mobilise la compétence pluviale des collectivités, faisant intervenir de nouveaux acteurs et complexifiant ainsi la gouvernance. Enfin, si l’objectif est bien d’augmenter le nombre de communes en conformité avec leur obligation de zonage, un rappel à l’ordre préfectoral est certainement beaucoup plus efficace que les appels désespérés du porteur de PAPI en-dehors de son champ de compétence.
Quoi qu’il en soit, la quête des cartes communales est bien évidemment d’autant plus complexe que le périmètre du PAPI est large. L’Entente Oise Aisne avait tiré comme enseignement du PAPI Verse, que la complémentarité entre actions de maîtrise des ruissellements et de régulation des cours d’eau augmentait sensiblement l’ambition du dispositif et renforçait son efficacité. Dans un premier temps, l’Entente envisageait de lancer un PAPI sur l’ensemble du bassin Oise Aisne, soit 1811 communes. Au vu de l’exigence de produire autant de cartes de zonage pluvial, le périmètre a dû être ramené aux 359 communes des EPCI concernés par les quatre territoires à risque important d’inondation. Ainsi, c’est 80% des communes du bassin qui se voient exclues d’une logique d’ensemble et de la possibilité de bénéficier de soutiens financiers du FPRNM pour des travaux de maîtrise des ruissellements ou d’adaptation du bâti à l’inondation. Quant au porteur du PAPI, il s’interroge sur la faisabilité d’une collecte de 359 cartes qui, pour la plupart, n’existent pas.
D’autres exigences, comme un taux de 100% de plans communaux de sauvegarde (PCS), participent à cette difficulté de décliner un PAPI à de grandes échelles mais le lien entre PCS et programme de prévention est plus évident ; de plus, le porteur du PAPI peut accompagner les communes en retard au titre de sa compétence d’animation.
Les PAPI de troisième génération embarquent des exigences qui rendent le dossier de candidature inextricable dès lors que le bassin versant est d’une taille conséquente. Si l’on peut se réjouir de l’accès au financement pour de petits bassins, il convient de ne pas perdre de vue que les risques majeurs dans notre pays sont les crues des grands fleuves (Seine, Loire, Rhône). Faute de tels événements depuis plus d’un siècle, peut-être en sous-estime-t-on les conséquences. Le pays serait dramatiquement frappé et mettrait plusieurs années à s’en remettre, obligeant nos partenaires européens à un soutien logistique et économique, comme le montrait une étude de l’OCDE en 2014.
Par chance, les plans grands fleuves apportent un début d’alternative. Ces dispositifs pluriannuels rassemblent les projets les plus ambitieux et associent les partenaires financiers Etat et régions autour de grands maîtres d’ouvrage comme VNF ou les EPTB concernés. Pour autant, l’éligibilité des dossiers au FPRNM n’en est pas facilitée. Le cahier des charges PAPI 3 précise que "les nouveaux projets de prévention des inondations sont soumis au processus de labellisation PAPI, garantissant une stratégie territoriale. Les projets s'inscrivant dans les stratégies des plans grands fleuves peuvent être l'objet d'exceptions, décidées par l'instance de bassin ad hoc, qui définira alors la participation financière de l’État [...].". Mais on lit aussi que "[les plans grands fleuves] peuvent constituer un vecteur pouvant faciliter l’émergence de projets de PAPI."
En pratique, les services instructeurs interprètent cette ambiguïté comme une nécessité que tout projet inscrit dans un plan grand fleuve soit aussi intégré à un PAPI, renvoyant ainsi aux difficultés de constitution du dossier évoquées plus haut. L’Entente a pu le mesurer lors de la demande de financement de l’ouvrage de Montigny-sous-Marle, pourtant inscrit au Plan Seine et dûment autorisé par arrêté préfectoral. Il a fallu, dans l’urgence, procéder à une analyse coûts-bénéfices et attester que l’ensemble des communes en aval seraient bien dotées d’un PCS avant la demande de solde de la subvention. Quoi qu’il en soit, la première approche était une impossibilité de financement en-dehors d’un PAPI.
Il nous semble que la prochaine génération de plans grands fleuves devrait être l’occasion de clarifier la possibilité d’émarger à deux dispositifs complémentaires et non pas emboîtés, quitte à préciser des règles d’éligibilité au financement d’un plan grand fleuve, mais en adaptant les exigences aux grandes échelles de ces bassins stratégiques qui ne doivent en aucun cas être marginalisés dans la politique nationale de gestion des risques d’inondation.